GUILLAUME MATY


  • Kerkennah — Tunisie
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    Je ne suis resté à peu près qu’un mois sur l’archipel de Kerkennah, qui affleure au Nord du golfe de Gabès et au large de Sfax. Je commence pourtant à saisir et partager ce sentiment d’affection, de mélancolie et de douce amertume qui revient chez les kerkenniens quand ils me parlent de leurs îles.

    Au tout début, surtout après Sfax, c’est le calme un peu hors du temps. Du port de Sidi Youssef jusqu’au site archéologique du Borj Melita, je me perds 4 heures durant dans les oliviers et les cultures. C’est sec et la lumière est dure. Je marche. Je retrouve la route à Melita, un taxi s’arrête. À l’arrivée, je découvre les côtes Sud d’Ouled Kacem. Je prends mes premières photos au cimetière, en bord de mer, avec le soleil qui se couche et le chant du Muezzin. Plus loin au port, je croise un homme qui aide son ami à préparer ses filets. On parle. Il m’emmène dîner plus loin, en scooter. On mange et on boit. Il me raconte ses projets de retraite ici, de sa vie en France, du futur et surtout de ce qu’était Kerkennah, au passé, et que c’est ce qu’il aurait aimé que je vois. On se dit qu’on se reverra et on ne se reverra pas.

    C’est ça la première image que j’ai des îles. Des journées qui se ressemblent sous le soleil de plomb, la facilité de rencontrer les kerkenniens qui m’ont toujours aidé, qui m’ont laissé les photographier. Et les paysages des plages sauvages de Sidi Fenkhal, les ruines du Borj El Hsar, les déserts salés des sebkhas... qui te font presque accepter la pollution omniprésente du plastique, du verre éclaté des bières, et du métal, dont tu finis malgré toi par apprécier les éclats quand il reflètent la lumière.

    Puis tu tombes sur ce zoo qui te montre que cette terre aussi belle est tout aussi cruelle. Il y a ce chien qui te regarde dans sa cage de 2 mètres carrés et tu sais qu’il va un jour mourir de faim, de chaleur, de soif. Il y a plus loin les aigles, le singe, les perdrix, et le cheval mort qui suinte à terre depuis plus de deux jours. Il y a des palmiers dont on coupe la tête parce que son jus se vend cher et d’autres qu’on brûle pour des histoires de terre. Il y a la tortue qu’on sort de l’eau, qui a plus de 100 ans et qui était là quand s’est enfuit Bourguiba, mais qu’on fait griller sur la plage entre deux bières. Il y a les hommes qui partent pour Lampedusa dont tu retrouves les affaires sur la plage après le naufrage.

    Heureusement il y a les vieux pêcheurs qui te parlent de Kerkennah, autrefois. Il n’y a pas si longtemps, des poulpes si gros que les enfants devaient être deux pour les porter. Des coquillages, des éponges, des araignées de mer qui sont les victimes maintenant disparues de la pollution et de la surpêche. Ils te racontent aussi comment les poissons mesurent le fond afin de dormir.